Le problème de la sécurité d’approvisionnement en gaz de l’Europe à moyen/long terme (horizon 2020) est un problème complexe de prospective, dont la solution s’appuie sur des prédictions de production et consommation. Ces prédictions sont délicates et souvent incohérentes, même entre experts. Néanmoins, on peut dire que :
- l’Europe est et restera importateur net. Le gaz viendra essentiellement de Russie, d’Algérie et d’Asie centrale.
- La Russie et l’Asie centrale seront exportateurs nets. Cette région exportera vers l’Europe et la Chine.
Les exportations russes.
Sans le gaz turkmène, la Russie ne peut assurer ses exportations vers l’Europe que dans le cas où sa croissance économique est faible.
Avec le gaz turkmène, la situation est renversée, la Russie assurera ses exportations vers l’Europe dans pratiquement toutes les hypothèses économiques. On peut donc dire, sans certitude mais avec une bonne probabilité, qu’en 2020 la demande européenne de gaz russe ne pourra être satisfaite que grâce à la contribution du gaz turkmène.
Les importations chinoises.
Les données sont relativement cohérentes (de 37 à 60 Gm3), c’est à dire de l’ordre de 50% de la production turkmène.
A partir des infrastructures, l’origine des importations serait la Russie, le Turkménistan et le Kazakhstan, ( resp. 70/30/25 Gm3)). Les chinois auraient donc vu large, les importations des seuls Kazakhstan et Turkménistan, ou de la seule Russie, étant suffisants.
D’après Catherine Locatelli & Jean-Pierre Angelier, il s’agirait simplement pour les chinois d’utiliser une infrastructure qui leur permette de mettre systématiquement en concurrence la Russie et les républiques gazières d’Asie centrale (Kazakhstan et Turkménistan).
Dans ce cas on retrouve bien 45 / 60 Gm3 venant de Russie ou d’Asie centrale.Les exportations turkmènes. Le gaz turkmène est abondant, mais déjà promis à la Russie, au Pakistan, à l’Ukraine et à la Chine (resp. 85/30/55/30 Gm3).
Quand on compare ces chiffres aux possibilités d’exportation du Turkménistan (110 Gm3/an), il devient clair que le Président Supermurat Niyazov a bien « survendu », d’un facteur proche de deux, le gaz turkmène.
Sans, bien sûr, pouvoir donner d’assurances, il paraît difficile d’imaginer le futur du gaz turkmène sans une complète renégociation.
L’intérêt tant économique que politique de l’Europe est de ne pas dépendre ni exclusivement, ni majoritairement, de la Russie, que le gaz soit russe ou simplement transitant par les tubes de Gazprom.
Une possibilité de diversification de l’approvisionnement est le gaz turkmène. Or ce gaz sera renégocié, et cette négociation se fera naturellement en fonction des infrastructures existantes. Donc, au moment de la négociation, il est de l’intérêt de l’Europe que des infrastructures existent pour le transport du gaz turkmène vers l’Europe, sans transiter par la Russie. C’est tout l’enjeu du projet « Nabucco ».