Local content en Mauritanie (étude comparée)

Introduction : depuis plusieurs années l’ACP se positionne auprès des sociétés nationales comme facilitateur du développement du Local Content en particulier pour des pays :
ayant une activité minière ancienne et importante, confronté, sans préparation, à des opportunités majeures développement de ressources pétrolières et gazières -et comptant sur les ressources minières pour la relève pétrolière (emploi-industrie)

Quelques présentations à l’occasion de groupes de travail avec des représentants de l’industrie pétrolière française (Arabie saoudite, Algérie, Sénégal et Mauritanie)

Vision de la situation et des challenges du Local Content en Mauritanie

1/ Les Ressources Humaines  : challenge et opportunité

Le développement du secteur énergétique en Mauritanie est principalement piloté par la forte augmentation de demande électrique, par l’accroissement de la part des énergies renouvelables et par le développement du secteur oil&gas en commençant par le projet Grand Tortue (projet GTA partagé avec le Sénégal) actuellement en phase d’engineering et de construction et qui doit entrer en phase opération dans deux ans (début 2022).

Le secteur de l’énergie est largement dominé par la Somelec (près de 2000 salariés), la compagnie nationale des hydrocarbures SMHPM, les compagnies internationales IOC et les sous traitants intervenant dans le domaine de l’énergie, comme des mines.

Ce sont ainsi des milliers d’emplois techniques (peu d’ingénieurs, beaucoup de techniciens supérieurs et d’ouvriers qualifiés) qui seront créés dans les prochaines années et qui viendront s’ajouter au renouvellement du personnel en place. La proximité des métiers avec le domaine minier, en forte perspective de croissance, est une opportunité pour assurer la pérennité des emplois, voire le maintien des créations d’emploi, en particulier dans le domaine de la construction et de la maintenance.

Le projet trans frontalier Mauritanie/Sénégal Grand Tortue (GTA) de BP/Kosmos (opérateur) est composé d’un ensemble de puits sous marins relié à un navire de production et de stockage FPSO (contracté à TechnipFMC) lui-même relié à une unité flottante de liquéfaction FLNG (contracté à Golar pour 20 ans).

Au-delà des services et équipements qui pourront être fournis par des sociétés locales (Mauritaniennes et Sénégalaises), c’est principalement le personnel d’exploitation qui présente une opportunité (et challenge).

Concernant le FPSO, le positionnement de BP (opération en interne, maintenance sous traitée) et celui de TechnipFMC (construction, pas d’activité de maintenance) amènera à offrir :

1/ des opérateurs qualifiés à BP et à son partenaire local Mauritanien SMHPM qui a prévu d’embaucher à cet effet (nota : la situation est identique pour le Sénégal avec le partenaire local Petrosen, qui de plus doit faire face à la demande simultanée pour le projet SNE)

2/ des techniciens de maintenance à la société contractée pour la maintenance (Saipem par exemple).

Concernant le FLNG, fourni et exploité (pendant 20 ans) par Golar (Singapour), le scénario le plus réaliste, sera de programmer un plan de nationalisation du personnel d’exploitation s’étalant sur plusieurs années.

Compte tenu du besoin, évoqué plus haut, d’opérateurs FPSO formés et opérationnels au tout début 2022, à fournir par la Mauritanie pour moitié, il pourrait être envisagé d’y assigner une vingtaine de diplômés DUT génie industriel de l’ISMM qui seraient amenés après leur diplôme à suivre une formation qualifiante opération FPSO. Il s’agit d’une formation certifiante qui démarrerait en septembre 2020 avec les étapes suivantes :

1/ remise à niveau des matières fondamentales (de 2 à 10 semaines selon le niveau)

2/ stage d’immersion qui pourrait être envisagé en production et raffinage (par ex Congo ou Tchad) (2 semaines)

3/ formation générique opérateur avec travaux de maintenance et utilisation de simulateur de production offshore (curriculum Apave/ACP) (10 semaines)

4/ formation spécifique FPSO  (curriculum « FPSO productor operator training ») qui doit être fourni par l’IFP-training à l’Institut de l’Energie de l’Ecole Polytechnique (projet PADG)

5/ stage On the Job Orientation sur le FPSO lors de sa mise à quai à la jetée au large de Saint Louis (2 semaines)

6/ participation au commissioning du FPSO et au démarrage de la production.

Pour répondre aux besoins ultérieurs identifiés plus haut, il pourrait être envisagé  la mise en place de licences professionnelles et de formation qualifiante (opérateur FPSO et FLNG). PEC www.pro-educ-consultants.com pourrait apporter une Assistance à Maitre d’Ouvrage avec le support de ses experts dans le système éducatif français (IUT Génie industriel de Toulouse par exemple) et dans le domaine pétrolier (membres ACP, Apave Sahel à Dakar, Apave Congo et Apave CFL, centre de formation pétrole et gaz développé par Total à Lacq avant son transfert à Apave).

2/ Le Local Content, une autre voie sans rêve ni frustation

Depuis une vingtaine d’années (à partir de Girassol Total en Angola), les opérateurs et leurs contractants acceptent d’exécuter leurs projets avec un fort contenu local. Les principales raisons en sont le cours élevé du pétrole et du gaz, entrainant de nombreux projets offshore à coûts élevés et concentrés sur un nombre très limité de pays (Angola, Nigeria, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale). En d’autres termes ces projets peuvent encaisser un surcoût lié au Local Content, avec la vision de sa réduction pour les projets futurs grâce à l’apprentissage.

Ainsi le projet Egina (Total Nigeria), lancé en 2013 avec un baril très élevé, a été réalisé en sous ensembles pour laisser une plus grande place au Contenu Local (main d’œuvre et fabrication/construction). Ce projet a entrainé la création de chantiers de fabrication et d’ateliers. La chute brutale du brut en 2015 a remis en cause la rentabilité du projet sans pouvoir réduire le montant des contrats ni minimiser les engagements contractuels du Local Content. Au total c’est près de 90% de l’ingénierie, plus de 75% des modules sous marins, 6 modules du FPSO… qui ont été réalisés localement grâce à 25.000 hommes x an de travail (équivalent à 10.000 employés pendant 2,5 ans). En bref, avec le coût actuel du pétrole et du gaz il est illusoire d’espérer reproduire un tel taux de Local Content (référence Evolen)

Etude de cas au Ghana : impact par le projet Jubilee.

Le Ghana, pays de 29 M d’habitants, dont 80% des emplois se trouvent dans l’économie informelle a vu se transformer son visage économique avec l’entrée en production en 2010 du projet pétrolier Jubilee. Après une performance économique exceptionnelle en 2011 (croissance du PIB 14%), n’a pas pu se maintenir à cause de la chute des cours des matières premières (or, cacao, pétrole). La perception trop optimiste des autorités a conduit à une accumulation de dettes privées avec hausse du déficit et dévaluation. C’est à ce moment qu’un nouveau Président a été élu avec un programme visant la diversification de l’économie largement dépendante de l’exploitation des matières premières.

Les 6 dernières années ont montré une très faible réduction de la pauvreté et une augmentation significative des inégalités.

Le  secteur privé, essentiellement informel, est resté dominé par des entreprises dont 90% sont des microentreprises ou PME employant moins de 20 personnes ; il ne parvient pas à générer suffisamment d’emplois pour absorber les nouveaux arrivants. (référence AFD 2019)

La Mauritanie 4 M habitants (2,5 M en 2000), dont 45% de moins de 15 ans. Le pays dispose des ressources naturelles importantes : minerais de fer, d’or et de cuivre, du gaz en offshore et en plus faibles quantités du pétrole.

Le secteur primaire (élevage, agriculture et pêche), représentant 30% du PIB avec en décroissance suite aux facteurs climatiques. Il constitue l’un des piliers de l’économie mauritanienne, générant des emplois pour environ 28% de la population active.

Le secteur industrie (30% du PIB) comporte les activités extractives (10% du PIB) avec principalement la production de fer et aussi d’or, de cuivre, de quartz … qui fait travailler globalement plus de 15.000 personnes. La production de pétrole Chinguetty, offshore) qui a apporté 13% de PIB en 2006 est en phase de démantèlement.

Le secteur industrie comporte aussi les travaux publics et activités manufacturières  (transformation alimentaires, des cimenteries, d’industries chimiques ou plastiques), avec une contribution du PIB qui a décru ces dernières années de 11%. L’emploi de cette activité (7% de la population active) est réalisé avec 200 PME (5000 employés) et une activité informelle dans l’artisanat et les petits métiers tels que menuiserie, plomberie,…(référence programme national PNUD)

Le Local Content en Mauritanie

Il convient tout d’abord de considérer que les seules activités sous traitées localement par les contracteurs internationaux des nouveaux champs de gaz offshore (Grand Tortue à partager avec le Sénégal puis de Bir Allah) seront celles qui pourront être réalisées avec le moindre investissement d’apprentissage. Le deuxième critère sera de valider ces développements en fonction d’une possibilité de réutilisation des expertises/investissements pour d’autres projets dans le domaine des hydrocarbures (exemple de conversion gaz des centrales thermiques) des énergies renouvelables, des extractions minières et du traitement des minerais.

Il est clair que les contracteurs internationaux s’appuieront d’abord sur les compagnies locales présentant des garanties telles que : stabilité, crédibilité, expérience dans les domaines visés… et que dès lors la sélection serait vite faite si elle se limitait à l’expertise pétrolière.

Il nous semble donc qu’en amont à cette qualification de soustraitants, il y aurait lieu de faire un recensement très large (domaines d’expérience, taille d’entreprise) qui permettrait d’offrir aux sociétés qui le désireraient une formation de développement qu’il faudrait, au moins partiellement financer par un budget national. L’Association des Consultants Pétroliers, propose et réalise, à travers son partenaire Apave Sahel une telle formation pour des PME sénégalaises. Avec le support d’un autre de ses partenaires Convergence, l’ACP propose l’utilisation de la plateforme www.convergence.link pour suivre le développement de ces sociétés.

Les formations actuellement dispensées par Apave Sahel couvrent les domaines tels que : Processus MASE (Manuel d’Amélioration Sécurité des Entreprises), Habilitation électrique, Prévention risques chimiques, Sécurité incendie, Habilitation ATEX, Audit interne, système management ISO 9001, ISO 45001 ;   Formation Développement commercial à l’international, Maîtrise des risques HSE en opérations ; Asset integrity Management System….

C’est une telle démarche, massive, qui permettra de générer les emplois indirects induits, comme cela l’a été fait avec succès par l’industrie extractive mauritanienne où un taux de 26% de la population au travail a été mobilisé dans les wilayas minières, pour les emplois indirects.

Jean-louis.gaillard@acp-france.org

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